By Light Unseen



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Histoire Des Vampires
et
Des Spectres Malfaisans
Avec un Examen du Vampirisme

by Collin de Plancey

Histoire des Vampires
Seconde Partie.
Vampires Plus Récens.

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CHAPITRE VIII.
Histoire d'un autre Vampire de Kisilova.--Apparitions du Vampire Arnold-Paul.--Mort de Stanoska, sucée par un jeune Vampire, etc.

Le marquis d'Argens raconte, dans sa cent trente-septième lettre juive, une histoire de Vampire qui eut lieu au même village de Kisilova, à trois lieues de Gradisch. Ce qui doit le plus étonner dans ce récit, c'est l'espèce de crédulité de ce fameux d'Argens


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pour un fait qu'il n'avait pas vu, et qui ne présente aucun caractère satisfaisant d'authenticité.

On vient d'avoir en Hongrie, dit l'écrivain philosophe, une scène de Vampirisme, qui est dûment attestée par deux officiers du tribunal de Belgrade qui ont fait une descente sur les lieux, et par un officier des troupes de l'empereur à Gradisch, qui a été témoin oculaire des procédures.

Au commencement de septembre mourut, dans le village de Kisilova, un vieillard âgé de soixante deux ans. Trois jours après qu'il fut enterré, il apparut à son fils pendant la nuit, et lui demanda à manger: celui-ci en ayant apporté, le spectre mangea; après quoi il disparut.

Le lendemain le fils raconta à ses


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voisins ce qui lui était arrivé; et le fantôme ne se montra pas ce jour-là; mais la troisième nuit il revint demander encore à souper. On ne sait pas si son fils lui en donna ou non; mais on le trouva le lendemain mort dans son lit. Le même jour cinq ou six personnes tombèrent subitement malades dans le village, et moururent l'une après l'autre en fort peu de temps.

Le bailli du lieu, informé de ce qui se passait en fit présenter une relation au tribunal de Belgrade, qui envoya à ce village deux de ses officiers avec un bourreau pour examiner l'affaire. Un officier impérial s'y rendit de Gradisch pour être témoin d'un fait dont il avait si souvent ouï parler.


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On ouvrit les tombeaux de tous ceux qui étaient morts depuis six semaines' quand on en vint à celui du vieillard on le trouva les yeux ouverts; d'une couleur vermeille, ayant une respiration naturelle, cependant immobile et mort; d'où l'on conclut que c'était un insigne Vampire. Le bourreau lui enfonça un pieu dans le coeur: on fit un bûcher et l'on réduisit en cendre le cadavre.

On ne trouva aucune marque de Vampirisme ni dans le corps du fils, ni dans celui des autres morts.

"Grâces à Dieu, ajoute le marquis d'Argens, nous ne sommes rien moins que crédules; nous avouons que toutes les lumières de physique que nous pouvons approcher de ce fait ne découvrent rien de ses causes: cependant


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nous ne pouvons refuser de croire véritable un fait attesté juridiquement et par des gens de probité. . . ."

Le même écrivain rapporte ensuite une aventure qui eut lieu en 1752 et qu';il avait alors publiée dans le n 18 du Glaneur.

Dans un canton de la Hongrie le peuple, connu sous le nom de Heiduque, croit, comme en beaucoup d'autres endroits, que certains morts, qu'il nomme Vampires, reviennent sucer le sang des vivans; en sorte que ceux-ci s'exténuent à vue d'oeil, au lieu que les cadavres, comme des sangsues, se remplissent de sang en telle abondance, qu'on le voit sortir


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par les conduits, et même par les pores.

Un certain heiduque, habitant de Medréïga nommé Arnold-Paul fut écrasé par la chute d'une charrette de foin. Trente jours après sa mort quatre personnes moururent subitement et de la manière que meurent, suivant la tradition du pays, ceux qui sont molestés par les Vampires.

On se ressouvint alors que cet Arnold-Paul avait souvent raconté qu'aux environs de Cassova, et sur les frontières de la Servie turque, il avait été long-temps tourmenté par un Vampire. Il faut observer que ses peuples croient aussi que ceux qui ont été sucés pendant leur vie sucent à leur tour après leur mort.

Arnold-Paul avait trouvé le moyen


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de se guérir des attaques du Vampire turc en mangeant e la terre du sépulcre où était enterré le cadavre, et en se frottant de son sang. Cette précaution ne l'empêcha pas de devenir Vampire après sa mort.

Il y avait quarante jours qu'il était enterré et il avait déjà sucé ou étouffé un assez grand nombre de paysans lorsqu'on l'exhuma. On trouva sur son cadavre tous les indices du Vampirisme: son corps était vermeil; ses cheveux, ses ongles, sa barbe s'étaient renouvelés; ses veines étaient toutes remplies d'un sang fluide qui coulait de toutes les parties de son corps sur le linceul dont il était enveloppé.

Le bailli du lieu, en présence de qui se fit l'exhumation, et qui était un homme expert en fait de Vampirisme,


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fit enfoncer dans le coeur d'Arnold-Paul un pieu fort aigu, dont on lui traversa le corps de part en part. Le Vampire ne put, dit-on, souffrir ce traitement sans pousser un cri effroyable, comme s'il eût été vivant; malgré cela on lui coupa le tête et on brûla le tout. On en fit autant de tous les cadavres des autres personnes mortes de Vampirisme, de peur qu'ils n'en fissent mourir d'autres à leur tour.

Cependant cinq ans après ces expéditions ces funestes prodiges recommencèrent, et plusieurs habitans du même village périrent malheureusement. Dans l'espace de trois mois, dix-sept personnes de différent sexe et de différent âge moururent de Vampirisme, quelques-unes subitement,


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et d'autres après deux ou trois jours de langueur.

On rapporte entr'autres qu'une jeune personne nommée Stanoska, fille du heiduque Sotwitso, qui s'était couchée en parfaite santé, se réveilla au milieu de la nuit toute tremblante, poussant des cris douloureux, et disant que le fils du heiduque Millo, mort depuis neuf semaines, était venu pour l'étrangler pendant son sommeil. De ce moment, elle ne fit plus que languir, et elle mourut au bout de trois jours.

Ce que cette fille avait dit du fils de Millo fit qu'on exhuma ce cadavre, où l'on reconnut un Vampire. Les principaux du lieu, les médecins, les chirurgiens examinèrent comment le Vampirisme avait pu renaître après


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les précautions qu'on avait prises quelques années auparavant: on découvrit enfin, après bien des recherches, que le défunt Arnold-Paul avait tué non-seulement les personnes dont nous avons déjà parlé, mais aussi plusieurs bestiaux, dont les nouveaux Vampires avaient mangé, et particulièrement le fils de Milo.

Sur ces indices on prit la résolution de déterrer tous ceux qui étaient morts depuis un certain temps. Parmi une quarantaine, ou en trouva dix-sept avec tous les signes les plus évidens du Vampirisme: on leur perça le coeur; on leur coupa la tête, on les brûla, on dispersa leurs cendres; et on fut depuis à l'abri de leurs infestations nocturnes.

Tous ces faits sont attestés par des.