By Light Unseen



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Histoire Des Vampires
et
Des Spectres Malfaisans
Avec un Examen du Vampirisme

by Collin de Plancey

Troisième Partie.
Examen du Vampirisme.

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CHAPITRE PREMIÈRE.
Procédures contre les Vampires. -- état et indices du Vampirisme.

On a vu, dans tout ce que précède, que généralement lorsqu'on exhume les Vampires, leurs corps paraissent vermeils, souples, bien conservés. Cependant, malgré tous ces indices


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de Vampirisme, on ne procédait pas contre eux sans formes judiciaires. On citait et on entendait les témoins; on examinait les raisons des plaignans; on considérait avec attention les cadavres: si tout annonçait un Vampire, on le livrait au bourreau, qui le brûlait.

Il arrivait quelquefois que ces spectres paraissaient encore pendant trois ou quatre jours après leur exécution: cependant leur corps avait été réduit en cendres.

Assez souvent on différait d'enterrer pendant six ou sept semaines les corps de certaines personnes suspectes. Lorsqu'ils ne pourrissaient point, et que leurs membres demeuraient souples, leur sang fluide, alors on les brûlait.


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On assurait que les habits de ces personnes se remuaient et changeaient de place sans qu'aucune personne les touchât. L'auteur de la Magia posthuma, dont nous avons déjà parlé, raconte que l'on voyait à Olmutz, à la fin du dix-septième siècle, un de ces Vampires qui, sans être enterré, jetait des pierres aux voisins, et molestait extrêmement les habitans.

D. Calmet rapporte, comme une circonstance particulière, que, dans les villages où l'on est infesté du Vampirisme, o va au cimetière, on visite les fosses; on en trouve qui ont deux, ou trois, ou plusieurs trous de la grosseur du doigt: alors on fouille dans ces fosses, et l'on ne manque pas d'y trouver un corps souple et vermeil.


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Si on coupe la tête de ce cadavre il sort de ses veines et de ses artères un sang fluide, frais et abondant.

Le savant bénédictin demande ensuite si ces trous, qu'on remarquait dans la terre qui couvrait les Vampires, pouvaient contribuer à leur conserver une espèce de vie, de respiration, de végétation, et rendre plus croyable leur retour parmi les vivans: il pense avec raison que ce sentiment (fondé d'ailleurs sur des faits qui n'ont rien de réel) n'est ni probable, ni digne d'attention.

Le même écrivain cite ailleurs, sur les Vampires de Hongrie, une lettre de M. De l'Isle de Saint-Michel, qui demeura long-temps dans les pays infestés, et qui devait en savoir quelque


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chose. Voici comment M. De l'Isle s'explique là-dessus:

"Un personne se trouve attaquée de langueur, perd l'appétit, maigrit à vue d'oeil, et, au bout de huit ou dix jours, quelquefois quinze, meurt sans fièvre, ni aucun autre symptôme de maladie, que la maigreur et le desséchement. On dit en Hongrie que c'est un Vampire qui s'attache à cette personne, et lui suce le sang.

"De ceux qui sont attaqués de cette mélancolie noire, la plupart, ayant l'esprit troublé, croient voir un spectre blanc qui les suit partout, comme l'ombre fait le corps.

"Lorsque nous étions en quartier d'hiver chez les Valaques, deux cavaliers de la compagnie dont j'étais cornette moururent de cette maladie;


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et plusieurs autres qui en étaient attaqués en seraient probablement morts de même si un caporal de notre compagnie n'avait guéri les imaginations en exécutant le remède que les gens du pays emploient pour cela. Quoique assez singulier, je ne l'ai jamais lu dans aucun rituel: le voici.

"On choisit un jeune garçon, qui soit d'âge à n'avoir jamais fait oeuvre de son corps, c'est-à-dire qu'on puisse croire vierge; on le fait monter à poil sur un cheval entier, absolument noir, et qui soit également vierge. On conduit le jeune homme et le cheval au cimetière: ils se promènent sur toutes les fosses. Celle où l'animal refuse de passer, malgré les coups de cravache qu'on lui délivre, est regardée


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comme renfermant un Vampire. On ouvre cette fosse, et on y trouve un cadavre aussi beau et aussi frais que si c'était un homme tranquillement endormi. On coupe d'un coup de bêche le cou de ce cadavre: il en sort abondamment un sang des plus beaux et des plus vermeils, du moins on croit le voir ainsi. Cela fait, on remet le Vampire dans sa fosse, on la comble, et on peut compter que dès-lors la maladie cesse, et que tous ceux qui en étaient attaqués recouvrent leurs forces peu à peu, comme des gens qui échappent d'une longue maladie d'épuisement."