Histoire Des Vampires
et Des Spectres Malfaisans Avec un Examen du Vampirisme by Collin de Plancey Histoire des Vampires
Seconde Partie. Vampires Plus Récens. (117) CHAPITRE IV.
Histoire d'un Vampire qui se laissa percer d'un coup de lance.--De quelques Esprits ou Spectres pareillement vulnérables. Thomas Bartholin, qui écrivait an 17e. siècle, raconte, après une ancienne magicienne nommée Landela, dont l'ouvrage n'a jamais été imprimé, un trait qui doit être du 13e, ou du 14e. siècle. Un homme qui se nommait Harppe, étant à l'article de la mort, ordonna (118) à sa femme de le faire enterrer tout droit devant la porte de sa cuisine, afin qu'il ne perdit pas tout à fait l'odeur des ragoûts qui lui était chère, et qu'il pût voir à son aise ce qui se passerait dans sa maison. La veuve exécuta docilement et fidèlement ce que son mari lui avait commandé. Mais quelques semaines après la mort de Harppe on le vit souvent apparaître sous la forme d'un fantôme hideux, qui tuait les ouvriers, et molestait tellement les voisins que personne n'osait plus demeurer dans le village. Cependant, un paysan nommé Olaüs Pa fut assez hardi pour attaquer ce Vampire: il lui porta un grand coup de lance, et laissa la lance dans la blessure. (119) La spectre disparut, et le lendemain Olaüs fit ouvrir le tombeau du mort; il trouva sa lance dans le corps de Harppe, au même endroit où il avait frappé le fantôme. Le cadavre n'était pas corrompu. On le tira de terre, on le brûla, on jeta ses cendres à la mer; et on fut délivré de ses funestes apparitions (1). "Le corps de Harppe, dit ici Dom Calmet, était donc réellement sorti de terre lorsqu'il apparaissait. Ce corps devait être palpable et vulnérable, puisqu'on trouva la lance dans la plaie. Comment sortit-il de son tombeau, et comment y rentra-t-il? c'est le noeud de la difficulté; car qu'on (1) Bartholin, de Causa contemptûs mortis, etc., lib. 2, cap. 2. (120) ait trouvé la lance et la blessure sur son corps, cela ne doit pas surprendre, puisqu'on assure que les sorciers qui se métamorphosent en chiens, en loups-garoux: en chats, etc., portent dans leurs corps humains les blessures qu'ils ont reçues aux mêmes parties des corps dont ils se sont revêtus, et dans lesquels ils apparaissent." D. Calmet aurait pu s'appuyer de plusieurs bonnes histoires qui prouvent que les esprits n'ont pas besoin de corps d'emprunt, pour recevoir les blessures qu'on leur fait. Une religieuse du monastère d'Hoven aperçut le diable dans le dortoir des nonnes; elle lui donna un soufflet fut si bien appliqué que le diable prit la fuite. Un soir que S. Loup voulait (121) boire, le diable se jeta dans sa coupe, croyant entrer sans obstacle dans le corps du saint; mais Loup reconnut l'ennemi, prit son oreiller, en couvrit le vase et y tint le diable enfermé jusqu'au matin. Un autre homme, qui avait beaucoup de puissance sur les esprits, en enferma une douzaine dans un pot à beurre. Il paraît que ces esprits étaient matériels, puisqu'ils ne purent s'évaporer. Un démon alla un jour offrir ses services à S. Antoine: pour toute réponse S. Antoine lui cracha au visage. Il fallait que ce démon eût un visage. Un esprit alla trouver Ste. Julienne dans sa prison, et lui conseilla de coucher avec son mari et de ne (122) pas mourir. Julienne prit l'esprit ou démon, lui lia les mains derrière le dos, le coucha par terre, le frappe rudement malgré ses cris, et lui mettant ensuite une chaîne au cou, elle le traîna à écorche-cul par les rues de Nicomédie jusqu'à une fosse d'aisance où elle le jeta. S. Dunstan prit un autre démon par le nez avec ses tenailles rougies au feu. S. Dominique en obligea un autre à lui tenir la chandelle pendant qu'il écrivait; et comme il la tint jusqu'au bout, tout esprit qu'il était il eut les cinq ongles brûlé, avec un coup de pied du saint dans les fosses (1), etc. (1) Le Diable peint par lui-même, par M. Collin de Plancy, chap. 9, 10, 21. (123) Enfin le P. Taillepied cite Plutarque qui, "aux dits notables des Lacédémoniens, parle d'un homme qui enferra un esprit de sa javeline, en passant de nuit par le cimetière. Mais apparemment, ajoute-t-il (1), c'était quelque bélitre qui voulait faire l'esprit." (1) Taillepied, de l'Apparition des Esprits, chap. 6. |